Sons seuls, 2017

Pièce acousmatique, pour trois sons seuls, quadriphonie, MSH Paris-Nord, 2017

Transept de l’église Saint-Eustache, cave d’immeuble, chambre d’appartement

Aucun droit ne peut justement se faire valoir à l’entente d’un silence. Ainsi se trouve chez les grammairiens latins une differentia mettant en jeu l’existence de deux termes usuels pour indiquer le silence : « silere » et « tacere ». Témoin d’une ambivalence, cette incertitude grammaticale occasionne un certain nombre de distinctions dont l’objectif est d’attribuer un sens (se taire, interrompre une parole), plutôt qu’un autre (rester silencieux, ne pas parler) à l’un ou l’autre des deux termes. Ces tentatives de fixation finalement inefficaces ne font qu’illustrer une difficulté plus générale à différencier qualitativement un silence pouvant être dit tour à tour actif ou passif, relatif ou absolu, humain, animal ou appartenant aux choses. Ces problèmes de silence ont été mis en rapport avec une étymologie du verbe silere, singulière en ce que cette dernière couple ces problèmes de silence à un problème de sonorité. Selon cette étymologie : « se tait (silet) celui qui interrompt son discours alors qu’il parle, selon la signification même de la lettre S ; reste silencieux (tacet) celui qui n’a même pas commencé à parler ». La lettre S porterait une valeur particulière.  Cette semi-voyelle est considérée par certains grammairiens comme malsonnante, plus « un sifflement qu’une consonne », pouvant « [s’éliminer] d’elle-même dans le mètre ». Régulièrement renvoyé à l’absence d’articulation sur l’opposition de laquelle se définit le langage, ce sifflement qui s’échappe de la mesure pourrait concerner en réalité les deux pôles d’un même problème. Si cette condition extramétrique met manifestement en défaut la communication d’une représentation, le silence inarticulé, dont l’activité minimale apparaît ici en relation avec un bruit, qui siffle, semble tout de même avoir un potentiel d’adresse, semble pouvoir s’entendre. Entendre un silence, cela consiste-t-il pour l’auditeur à se tendre vers tout en admettant les défauts de représentation et de saisie que la préséance d’un sifflet implique ?

écoute

Jérémie Nicolas, Sons seuls, MSH Paris-Nord, 2017
Jérémie Nicolas, Sons seuls, MSH Paris-Nord, 2017
Jérémie Nicolas, Sons seuls, MSH Paris-Nord, 2017
Jérémie Nicolas, Sons seuls, MSH Paris-Nord, 2017